1 / Au fil de l'eau Récits de voyage

La DUNAJEC, berceau de la nymphe polonaise (No-kill de Kroscienko)

Dunajec

Merci à FRED06, membre de notre forum, pour ce magnifique article !

Préambule

 

Lors de vacances en Pologne, j’ai pu pêcher deux jours cette belle rivière, grâce à ma nymphe polonaise à moi, et je vous en propose un compte rendu. Il reprend le post que j’avais fait sur le forum, en ajoutant un peu d’histoire afin que tout pêcheur qui parle de nymphe tchèque à un polonais ne se prenne pas un coup de poing sur le nez.

Pour la première matinée, j’avais pris les services d’un guide. Pas n’importe quel guide ! Wladyslaw ("Vladi », prononcer « Ouadec ») Trzebunia est une vieille main de la Dunajec, mais pas seulement…

 

 

Je ne savais pas en le rencontrant qu’il avait joué un rôle si important dans les développements des techniques de pêche à la mouche….

 

Ma session de pêche

Dunajec

Passons maintenant au compte rendu de mon séjour sur cette rivière historique, en cet été 2023. Avec les détails qui peuvent intéresser un futur voyageur pêcheur.

Trois jours étaient initialement prévus. Mais de gros orages ont condamné le deuxième. Et le troisième était de la pêche dans une eau très sale.

C’était les 13, 14 et 15 juillet, sur le Nokill de Kroscienko.

Sur ce Nokill, de 12 kms de long, la Dunajec fait bien 60m de large. La limite amont est la sortie de la ville de Kroscienko. Sa limite aval est la confluence avec la rivière Ochotnika.

Un grand barrage des années 80 est situé quelques kms en amont de Kroscienko, sur la frontière avec la Slovaquie. Le débit d’étiage sur le parcours est de 25 m3/s. Elle était entre 30 et 35 m3/s quand je l’ai pêchée.

La rivière est très riche en vie. Le fond est fait de gros blocs, très irréguliers, de gros cailloux et de quelques plages de galets assez gros. Le bâton de wading est donc utile. Chaque pierre soulevée laisse apparaitre un nombre impressionnant de larves, plutôt grosses.

Le défaut du coin, c’est que la vallée est assez urbanisée. Tout le parcours est bordé par une nationale, où les voitures roulent assez vite. Du coup, on a souvent le bruit de ces voitures en pêchant. Même si un rideau d’arbres cache la route.

 

 

L’intérêt se situe sur les grosses truites.  Il y a un peu de reproduction naturelle parait-il, et beaucoup de farios sont lâchées chaque année, au stade de truitelles. Elles ont ensuite une croissance très rapide. Certaines truites pêchées me rappellent les photos que j’ai pu voir des grassettes de la Touvre. Environ 1 truite sur deux ou trois touchées fait plus de 40cm, et souvent 50…

 

 

La présence d’ombres est marginale à ce que l’on m’a dit. Il y aurait quelques huchons, lâchés aussi. Quelques énormes chevaisnes (70+!!) , que j’ai vu dérouiller les bancs d’alevins dans un calme. Des vairons, des petits blancs, de gros hotus de 40+ par-ci par-là.

 

 

En été, les locaux recommandent le streamer au levé du soleil, la nymphe lourde en journée (méthode Vladi dans les grands courants!!!), et la noyée au coup du soir sur le tard. J’ai pris un beau poisson en sèche en fin d’après-midi, mais un peu par hasard j’ai l’impression.

La NAF classique fonctionne aussi bien sur, comme me l’a démontré un jeune pêcheur local compétiteur avec qui j’ai sympathisé. Par eaux tintées, il utilisait une nymphe (très) lourde en potence, et une imitation de vers de terre peu lestée en pointe. Et il prenait gros poissons sur gros poissons, sur l’imitation de ver.

 

 

Quelques infos diverses :

Krosceinko est à 2 heures de Cracovie, qui dispose d’un aéroport, ou à 5h de Varsovie. Les voitures de location sont moins chères qu’en France. 

Le permis journalier sur le nokill est de 26€ par jour pour les étrangers n’ayant pas de permis national polonais.

On peut le prendre par internet  ➤ ICI

 

La Pologne, à l’origine de la nymphe lestée

Dunajec

Un peu d’histoire de la "nymphe polonaise" :

Je ne suis pas du tout un spécialiste de l’histoire de notre loisir favori, mais suite à ma rencontre avec Vladi, je me suis un peu renseigné. Et si les éléments ci-dessous, "ferrés" un peu au hasard en pêchant l’eau sur des sites anglo-saxons, ne sont pas exacts, je serai heureux que vous corrigiez ou complétiez.

On peut dire sans trop se tromper que les premières imitations de nymphes viennent du Royaume Uni, rapportées par les Skues et Sawyer. Mais il s’agissait de nymphes peu lestées, destinées surtout à de la pêche à vue dans les chalk streams. La nymphe lestée, qui va chercher les poissons invisibles calés au fond, et qui va s’imposer dans le milieu de la compétition,viendrait plutôt de la Pologne, et plus précisément de la Dunajec, et s’est diffusée dans le milieu de la compétition.

En 1984, le polonais Jozef Jelenski aurait montré aux compétiteurs tchèques quelques mouches de base, ainsi que les tactiques simples de pêche utilisées par les membres de l'équipe polonaise. Ceci a amorcé la diffusion et le développement des techniques de pêche à la nymphe tchèques et polonaises.

Voici quelques mouches, utilisant des hameçons courbes cerclés de fil de plomb, et recouverts de laine en général.

À noter que celle de droite est recouverte de latex de préservatif … si si …

( ces 2 nymphes sont montées par Vladi ).

 

Une autre nymphe actuelle de Vladi

 

Nymphe, rivalité entre Pologne et République Tchèque

Dunajec

Une grande rivalité entre les équipes de ces deux nations va suivre, ce qui les amènera à développer leurs innovations en secret (surtout les Tchèques). Cela a certainement fait avancer les développements de la pêche à la nymphe entre les années 1980 et le début des années 2000. Avant que l’Excellence Française ne se fasse connaitre, avec l’allongement et la finesse des bas de ligne, sous l’impulsion d’un certain Piam …. mais c’est une autre histoire.

Entre technique Tchèque et technique Polonaise, il doit falloir être un véritable expert pour identifier les différentes écoles de pêche à la nymphe lestée d'un seul coup d'œil. Les tactiques de pêche à la nymphe polonaise et tchèque ont évolué et se sont croisées tout au long de leur développement. Il semble donc difficile de les distinguer par la suite.

J’ai compris que les tchèques étaient défenseurs à un certain moment de l’utilisation de 3 nymphes. Alors que les polonais sont convaincus que la bonne quantité est 2. Mais bon … La seule chose dont je suis sur et dont je peux vraiment parler, c’est LA méthode de Vladi, telle qu’il la pratique aujourd’hui et qu’il m’a brièvement expliquée.

Mais revenons à l’Histoire. Alors que l'équipe polonaise remporte les championnats du monde en 1985, la tactique de la nymphe lestée sur bas de ligne court est utilisée par le Tchèque Slavoj Svoboda pour remporter l'or en Belgique lors des championnats du monde de 1986.

Puis en 1989 en Finlande, le total individuel des prises de Vladi - sacré champion - était supérieur à celui de l'ensemble de l'équipe classée deuxième... (certains articles mentionnent supérieur au nombre des 2e, 3e et 4e équipes réunies …)

Ce résultat, peut-être plus que tout autre événement, aurait changé le paysage de la pêche à la nymphe en rivière. Mais ensuite, l'équipe tchèque a réagi en absorbant ces tactiques et en les utilisant comme une composante importante de ses succès futurs. Avec notamment la fameuse raclée historique infligée aux nations locales sur la Welsh Dee en 1990 au Pays de Galle, la Pologne se classant deuxième.

 

La technique nymphe de « Vladi »

Dunajec

Voici maintenant la technique de Vladi, dont j’ai pu mesurer cet été l’extrême efficacité sur sa rivière d’origine. Elle vient de constatations qu’il a pu faire enfant, en pêchant avec son père aux appats naturels.

Elle est idéale pour quadriller en nymphe de grands courants larges, assez soutenus (friselis) et assez profonds, jusqu’à 1m.

On utilise une cannes à nymphe de 11 pieds, avec une soie flottante synthétique de 3 ou 4. Le bas de ligne doit être court, d’une longueur de canne, pointe en 16/100.

Une nymphe casquée H8 ou H10 (bille Tungstène de 4 ou 4,5 mm) en potence, une plus légère, bille de 3 en pointe. La potence peut être longue, jusqu’à 20cm s’il y a du fond, plus courte sinon. Et elle peut être coulissante : une boucle est faite sur la potence, et on passe deux fois la nymphe dans le boucle en emprisonnant le corps de ligne, au dessus d’un noeud d’arrêt (je peux vous dire que ça marche, même sur gros poisson!).

Couleur des nymphes : bille tungstène argent ou cuivre, dubbing vert ou rose, corps en laine sombre serrée.

On déploie quelques mètres de soie, et on lance 3/4 amont. Puis mending immédiat vers l’aval. J’ai bien dit aval ! Puis on accompagne canne basse. Les nymphes vont ainsi descendre au fond, avec une dérive rapide. A la touche, préférer un ferrage doux plutôt que brusque, si vous voulez revoir vos nymphes ! Et après chaque lancé, un pas vers l’aval, comme en noyée.

 

 

Le principe de cette méthode est le suivant: les nymphes doivent dériver profondément, et aller un peu plus vite que la dérive naturelle. C’est pour cela que l’on fait un mending vers l’aval, la soie entrainant les nymphes.

Comme je n’y croyais pas, au début, je pêchais 2 fois chaque poste. Une fois en lançant perpendiculaire au courant ou légèrement aval puis mending immédiat vers l’amont, comme j’avais le réflexe de le faire en noyée. Puis je relançait sans bouger 3/4 amont avec mending aval, comme enseigné par Vladi. Inutile de dire que toutes les touches ont eu lieu sur ce deuxième lancer… Cette dérive accélérée, qui est profonde mais pas naturelle, déclenche probablement l’agressivité des poissons.

Il s’agit  donc d’une pêche autant incitative qu’imitative.

 

 

Conclusion

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Il s’agit donc d’une pêche autant incitative, avec dérive accélérée, qu’imitative, avec des nymphes. Une méthode de pêche proche de la noyée, en version extra lourd.
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Pourquoi ne pas l'essayer un jour sur nos grandes rivières, comme l'Isère, l'Ain,  ou la Dordogne !
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Si vous avez des questions ou besoins de renseignements supplémentaires pour un séjour en Dunajec, n'hésitez pas à me demander.
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4 réponses à “La DUNAJEC, berceau de la nymphe polonaise (No-kill de Kroscienko)

  1. Réponse de Fred06 pour Jü :
    Pour la potence coulissante, il s’agit de faire une potence de 15cm, avec d’un coté la grosse nymphe, de l’autre une boucle. On entoure le corps de ligne principal avec cette potence, et on passe la nymphe dans la boucle. Du coup, ça coulisse entre 2 nœuds du bas de ligne. Perso, je ne suis pas sur de saisir l’intérêt de la chose.

    1. Pour essai, je “colle” ici la réponse publiée par Fred06 sur le forum :

      La technique enseignée par Vladi ressemble beaucoup à la noyée traditionnelle. Les points communs sont:
      – même type de canne et soie,
      – on pêche sur des dérives aval,
      – on se déplace d’un pas vers l’aval après chaque dérive.

      Les différences:
      – on remplace des noyées par 2 grosses nymphes bien lestées,
      – on lance un peu amont au lieu de 3/4 aval,
      – on effectue un mending aval.

      La touche se manifeste souvent par un arret qui crée un appuie supérieur sur la soie qui fait un U dans le courant.
      Bizarre mais efficace sur des grands courants assez réguliers, assez forts et assez profonds.

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