4 / L'atelier Fabrication des cannes

Bambou refendu … un peu d’historique

La petite histoire du bambou refendubambou refendu historique

Dans le cadre de travaux que je vous dévoilerai plus tard, j'ai entrepris de retracer l'historique de la construction des cannes en bambou refendu. Bien sur, celui-ci n'aurait pas existé sans l'implication d'un certain nombre d'artisans de génie. J'en ai certainement oublié. Mais je pense avoir toutefois recensé les principaux.

Ce travail ne fut pas facile. Cette activité a en effet souvent revêtu une certaine confidentialité. Et d'autre part, il faut remonter deux siècles en arrière pour trouver les origines des premières constructions en bambou refendu. Enfin, je l'ai mis en forme d'une façon volontairement synthétique pour qu'il ne soit pas trop "rébarbatif".

Mais il est possible que vous releviez dans ce petit article quelques imprécisions, ou oublis de points qui vous semblent essentiels.

Si tel est le cas, n'hésitez pas à m'en faire part.

Les balbutiements

 

Le terme « rod split-bamboo » ( canne en morceaux de bambou ) apparut dans certains ouvrages anglais du début du 18ème siècle. Ceci pourrait correspondre aux balbutiements des premières constructions en bambou refendu. Un dénommé CLARK aurait ainsi commercialisé en 1805 des cannes réalisées en 3 sections.

Ensuite, dans les années 1850, on attribue à Samuel PHILIPPE ( armurier en Pennsylvanie ), les premières cannes de section hexagonale. Mais ce principe de fabrication n’était pas appliqué à la totalité de la canne. Par contre, ce serait Charles MURPHY ( États-Unis / New-York ) qui aurait produit à la même époque le premier fouet de construction entièrement hexagonale. Il est donc difficile, dans ces conditions, d’attribuer avec certitude la paternité de ce génial procédé qui perdure depuis un siècle et demi. Même si l’histoire semble avoir retenu Samuel Philippe.

L'industrialisation et les grands "maitres"

 

Par contre, tous les avis convergent au sujet de la première production industrielle de cannes en bambou refendu. En 1871, Hiram Lewis LEONARD ( États -Unis / Maine ) mit au point un certain nombre d’équipements dont, entre autres, une machine permettant de tailler au profil les baguettes de bambou.

 

 

Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard que ces modes de productions furent repris en Europe par la fameuse maison HARDY.

Ci-dessous, les usines de la société Hardy dans les années 1890, à Alnwick au nord-est de l'Angleterre. À droite, l'atelier appelé à l'époque "des perches".

 

 

D’autre part, peu de temps avant la fin du 18ème siècle, les premières importations de bambou du Tonkin marquèrent également un tournant pour la fabrication des cannes en bambou refendu. Cette nouvelle « matière première » fut rapidement adoptée par les constructeurs. Elle présentait en effet bon nombre d’avantages en comparaison du bambou de Calcutta, utilisé très majoritairement jusqu’alors.

Mais revenons à Hiram Lewis LEONARD. Outre ses capacités à développer un véritable outil industriel, il forma de main de maître plusieurs de ses ouvriers. Ces derniers deviendront également des facteurs d’exception. Ceux-ci ont pour nom EDWARDS, HAWES, PAYNE, THOMAS ...

Et c’est l’un d’entre eux, Eustis William EDWARDS ( États -Unis / Maine )  qui mit au point ( peu de temps après la disparition de Hiram Lewis Leonard ) un procédé qui révolutionna les performances des cannes en bambou refendu : la trempe du bambou (ou chauffe). La matière première, utilisée jusqu’alors à l’état naturel, gagna ainsi fortement en dureté. Ceci permis alors de produire des cannes beaucoup plus « nerveuses ».

Parmi, les fabricants illustres, il est également impossible de passer sous silence Harold Steele GILLUM ( États -Unis / Connecticut ),  surnommé « Pinky » par sa chevelure rousse . Il est considéré de nos jours comme l’un des plus talentueux facteurs, avec près de 2000 cannes à son actif.

 

Harold Steele GILLUM

 

Citons également deux artisans américains d’exception : Paul Holden YOUNG ( États -Unis / Arkansas ) d’une part, qui produisit des cannes d’une qualité et légèreté exceptionnelles. Et Everett GARRISON ( États -Unis / New-York ), dont les modèles réalisés de ses mains n’ont pas de prix. On doit également à ce dernier la création de certains outillages essentiels à la fabrication des refendus (gabarit, machine à ligaturer, …).

 

Paul Holden YOUNG

 

 

Et les français dans tout ça ?

 

Ils prendront le train en marche beaucoup plus tard... Mais avec quel brio et réussite, puisque la maison PEZON & MICHEL aura seulement besoin d’une dizaine d’années pour acquérir le 1er rang mondial !

C’est en 1895 que Gustave PEZON racheta la société BONGENDRE, crée en 1860 à Amboise ( Indre-et-Loire ) et distributrice de matériel de pêche. Il céda en 1913 l’entreprise à son fils Pierre et à son gendre Jean MICHEL. Ce fut la naissance de la marque PEZON & MICHEL.

 

Pierre PEZON

 

Une douzaine d’années plus tard André et Jean PEZON, frères de Pierre, rejoignirent l’entreprise. Elle se développa alors dans la fabrication de cannes en rachetant plusieurs maisons spécialisées. Puis, elle commença véritablement à s’intéresser au bambou refendu dans les années 1930, sous la houlette d’un certain Édouard PLANTET.

Mais la véritable impulsion fut donnée par l’arrivée au sein de l’entreprise de deux personnages clés. Charles RITZ, le créatif, puis Pierre CREUSEVAULT, le lanceur prodige, rejoignirent PEZON & MICHEL en 1937. À leur tour, Ils furent rejoints trois ans plus tard par Ernest HÉMINGWAY (  États -Unis / Illinois). Ce dernier fit office d’éminent conseiller technique.

 

Charles RITZ & Ernest HEMINGWAY

 

Atelier "Pezon et Michel" dédié à la fabrication des cannes en bambou

 

La suite, on la connait. La renommée de PEZON & MICHEL se répandit comme une trainée de poudre. Plusieurs dizaines de milliers de cannes furent ainsi fabriquées et distribuées dans le monde entier. Bien sûr, cette incroyable productivité ne fut possible que par la création de machines automatiques permettant de développer un véritable process industriel.

 

Machine automatique pour tailler les baguettes au profil

 

Mais les plus belles choses ont une fin. Entre 1970 et 1980, l’avènement de la fibre verre, puis du carbone peu de temps après, sonnèrent le glas du fulgurant succès de PEZON & MICHEL dans le domaine des cannes en bambou refendu.

Cette illustre maison laisse derrière elle un « patrimoine halieutique » exceptionnel avec, entre autres, les séries Parabolic ( Suprême, Spéciale, Prima, … ) et PPP ( Fario club, Master, … ).

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