Brochet mort ( Histoire humoristique authentique)

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  • Ce sujet contient 1 réponse, 2 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Coujou, le il y a 2 années et 9 mois.
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    • #43605
      HAGER Christian
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      Brochet mort

      Marcel L. était un personnage inoubliable, truculent et haut en couleur du Revigny-sur-Ornain des années 1960. Il possédait une gouaille légendaire et inoubliable. C’était un très bon copain de mon père. Je l’apercevais quelques fois à la pêche.

      Un après-midi, je le vis pêcher dans le trou des américains, à côté des roseaux. Je me dirigeais vers lui pour le saluer et savoir s’il avait attrapé quelque chose :

      «  Bonjour Monsieur L., alors ça mord ?

      — Ah salut, toi, le jeune, non, il n’y a rien à foutre. À croire qu’ils font la grève de la faim, ces cons de poissons.

      — Pourtant, ici, il y en a des beaux dans ce trou.

      —  Je m’en doute et toi t’as choppé quelque chose ?

      — Non, je viens d’arriver.

      — T’es le fils du Robert, toi ?

      — Oui.

      — Comment ça va ton père ?

      — Il est toujours à Nancy.

      — Tu lui donneras le bonjour et tu lui diras que je passerai le voir quand il sera rentré. Au fait, je voudrais te demander quelque chose, j’ai acheté une ligne chez l’Aristide hier soir et le bouchon  fonce, tu sais, pourquoi ?

      — C’est parce que vous êtes trop plombé. Il faut enlever des plombs.

      — T’es pas con, toi. T’es bien le fils de ton père. Et t’en attrapes en ce moment à la pêche ?

      — Un peu…au fait, vous avez vu le brochet ?

      — Le brochet ? Quel brochet ?

      — Celui qu’est crevé dans la rivière.

      — C’est loin d’ici ?

      — Non, juste derrière.

      — Tu peux me le montrer ?

      —  Oui. »

      Marcel L. me suit. Je l’emmène au cœur d’une véritable forêt vierge. Partout, il y a des ronces, des orties, des broussailles. Il jure, récrimine, peste : «  Ah ben putain, tu parles d’un merdier, il faut y aller avec un coupe-coupe dans ce bordel. C’est pire que dans la jungle ! »

      Après bien des péripéties et des détours, nous arrivons au bord de la rivière.

      « Vous le voyez là ?

      — Attend, il faut que j’essuie mes lunettes… C’est où, tu  me dis ?

      — Juste derrière le saule.

      — Oh oui, bon dieu, tu parles d’un bestiau. Qu’est-ce qu’il a eu ?

      — Je n’en sais rien.

      — Tu peux le ramener avec ton lancer.

      — Oui.

      — C’est peut-être un pêcheur qui a cassé et il a une monture d’acier dans sa gueule. »

      À mon troisième lancer, je  raccroche le dos du poisson avec ma cuiller et je ramène le brochet. Marcel L. Est dans tous ses états.  Il jure pire qu’un arracheur de dents.

      «  Putain de bordel, c’est pas vrai qu’il y a des bestiaux comme ça dans la rivière et qu’on n’arrive pas à les attraper ! Putain, c’est un monstre ! »

      Le brochet est sur la grève. C’était une belle bête.

      «  Tu peux le mesurer, p’tiot ?

      — Oui. »

      Je sors le mètre et annonce 95 cm.

      «  C’est un monstre, il est impeccable. Hein, qu’est-ce que tu en penses ?

      — Oui.

      — Je me demande ce qu’il a eu ?  Tu peux ouvrir sa gueule pour voir ? »

      Je prends ma pince et ouvre la gueule du brochet.

      «  On ne voit rien. Il n’a pas de monture d’acier dans la gueule. En plus ses ouiës sont encore rouges. Il doit être mort  de ce matin,  pas plus.

      — Oui. »

      Personnellement, les ouiës du brochet, je les voyais plutôt rose pâle, mais certaines personnes ont parfois des problèmes pour distinguer les couleurs. C’était sans doute le cas de Marcel L.

      «  Il est net de noeud ce brochet.

      — Oui.

      — Tu le prends ?

      — Non.

      — Si tu n’en veux pas,  je l’embarque. Ça ne te dérange pas.

      — Non.

      — T’en parles à personne, hein ?

      — Bien sûr.

      — Attends, je vais te donner 5 F pour m’avoir aidé à le ramener.

      — Merci.

      — Et si tu trouves un jour, une belle truite ou un beau brochet morts dans la rivière, tu penses à moi. Tu sais où j’habite, tu ne peux pas te tromper, C’est en face du Boulevard des allongés (le cimetière). »

      Trois semaines plus tard, je revis Marcel L. Il me parla du brochet :

      «  Tu sais, il était sacrément bon. Un délice. T’en n’as pas vu aujourd’hui ?

      — Non

      — C’est dommage. »

       

       

       

       

       

       

      • Ce sujet a été modifié le il y a 2 années et 9 mois par HAGER Christian.
    • #43607
      Coujou
      Modérateur
      • 2,903

      Joli récit :good: des personnages comme ce monsieur, on en a tous connu, mais c’était une autre époque

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