Gobage

  • Ce sujet contient 3 réponses, 4 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par gillou, le il y a 4 années et 9 mois.
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    • #20943
      Scambus
      Participant
      • 196

      Bonjour les moucheurs

      La sieste laisse du temps pour rêver et je partage ces moments de plaisir.

      Gobage

      La première sensation est un moment de délices ou flotte l’éblouissement, un moment de calme ou l’espace devient ravissant, un moment glissant ou sous les pieds roulent les galets, un moment florissant ou la surface de l’eau embaume l’air pour se perdre dans un disque enflammé.

      Fouillant la surface de cette maîtresse exigeante qu’est la rivière, j’apprivoise l’eau dans un joyeux pas de trois avec l’insecte et la truite. Appuyés à la rambarde des feuillages, mes yeux cernent la terrasse de roches moussées et j’avance délicatement dans la connaissance du cours d’eau. La pente courbe de la colline épouse la forêt en dents de scie, les flots couleur de laitue peignent un léger vent et le mystère s’épaissit entourant une chorégraphie annonçant fiévreusement la couleur de l’or.

      Respirer le parfum endiamanté de la rivière éclaire une douce verdeur en dégageant autant d’expressions qu’un simple rond. De la splendeur au raffinement simple digne d’un théâtre magique, la pureté des émotions fait bouillir cet univers et un souffle odorant sort des choses par l’intermédiaire du rêve. Dans ce ciel renversé, les collines plongent leurs floraisons pour offrir à la rêverie un monde en émanation accompagné des paroles de l’eau dansant sur la mélodie des solides. Sans jamais se répéter, dans sa substance pure, dans sa beauté rassurante, dans ses paroles ininterrompues, dans sa transparence éblouissante, l’eau prend la forme d’un vase de cristal et l’observation plonge sans tomber dans les profondeurs pour ne pas éveiller cet état de poésies naturelles.

      Un gobage de promesse suit naturellement les ondulations de l’eau pour donner un visage de lumière à cette atmosphère aux nuances masquées d’une truite sauvage. Les ondes transmettent une décharge d’adrénaline à en essuyer les larmes fraiches d’une sueur naissante. Des lumières de fonds ombrés frémissent sous les guirlandes, une robe jaunâtre à verdâtre noyée de marron piquée de rouge et noir vient rendre l’excitation du gobage à son comble. Un rond apparaît dans un bruit de clapotis tout en apercevant la beauté qui s’est mise à briller de mille feux.

      Mon regard suit un insecte perdu dans des mouvements copiant le balancement d’une basse branche, mes pupilles entrent dans un jeu ascensionnel semé de chutes libres  puis mon bonheur prend là sa juste substance pour en deviner l’habitant de cet espace. J’essaie de reconnaitre un visage à la voilure de ma fenêtre visuelle dans ce vide de temps ultra rapide. L’eau est si transparente que les galets louchent à en troubler le fond pour que l’éclair ne puisse saisir l’œil.

      La truite fait naitre des ondulations dont la géométrie ne donne aucun doute de ses intentions gourmandes. Ma vue se porte plus en amont pour observer un courant qui saute un seuil pour s’entrelacer avec quelques pierres et s’étaler dans la zone spectacle. Je me focalise sur un point minuscule dans une flaque de ralentissement, le rôle dominant de la rivière m’étouffe, je ne me détourne pas de cette bordure, ma main fait transpirer le liège, tout proche de moi des voies invisibles claquent des bruits, je reste figé sur cette becquée qui me met en transe. Un bossoir rocheux borde une veine et alimente mon plat du soir dont la sagesse fatigue mes yeux gourmands, je picore l’instant ou les cercles ondulants viendront tirer les bords de leur sommeil.

      Comme une fléchette touchant le centre de la cible, le grand pas ce fait aux variations d’une fleur multicolore chatouillant des frises concentriques de reflets lumineux et ma préférée qui fera mouche est tricolore. Un cœur vient de s’ouvrir laissant aller ses pétales au fil de l’eau noyant des rayons brisant les roches de bordures.

      D’une pointe invisible, je noue la légèreté de ma compagne emportée par les bourrasques du fouet, la soie naturelle se laisse porter par l’arc entre l’orage des sons et la pluie de lumières, d’un grand pas de danse tout en souplesse elle s’offre en festin pour en déguster des cambrées vertigineuses aux chandelles féériques.

      Christian

    • #20944
      nenefly
      Participant
      • 19

      Trés beau texte , merci Christian :heart:

      • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 9 mois par Coujou.

      Celui qui se perd dans sa passion , à moins perdu que celui qui à perdu sa passion .

    • #20946
      Coujou
      Modérateur
      • 3,107

      Quel talent! :good:

    • #21001
      gillou
      Participant
      • 148

      Quelle poësie . :good:

      " Ceux de l'obstacle de l'air regardent étrangers , ceux de l'obstacle de l'eau .
      Que d'amitiés se perdent parce que l'on a pas de branchies .
      H;Michaux

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